Chapitre 2 : de suprises en suprises...
Après avoir
vaillamment attendu de récupérer vos valises, vous
n'aspirez qu'à une chose: sortir, respirer, voir. A quoi
ressemble cette terre calédonienne, objet de tous les
fantasmes?
Et là,
personne.
Votre famille et
ses 80 kg de bagages se retrouvent seuls, sur le trottoir.
Vous êtes
complètement désemparée.
Pour
la première fois de votre jeune vie, vous découvrez,
stupéfaite, que parfois, ici, les avions atterrissent en
avance!
Au
bout d'un temps certain, voici votre comité d'accueil affublé
de courronnes de fleurs multicolores. Bienveillants, ils vous
demandent:
- Comment
s'est passé votre voyage?
Vous arborez votre plus beau sourire, inspirez profondément et
affirmez avec assurance:
- Tout
va très bien!
Votre
cerveau endolori se le répète en boucle, histoire de se
convaincre lui-même.
Les
enfants montent dans les voitures. On doit vous conduire à la
maison qui vous a été attribuée. Vous avez opté
pour l'utilitaire blanc qui semble nettement plus confortable et vous
vous félicitez de votre choix quand vous réalisez
soudain qu'il est le seul véhicule à ne pas avoir
encore démarré... votre conductrice soupire. Elle manie
nerveusement la clef de gauche, de droite. Rien.
Patience...
Quelques manoeuvres plus tard, le moteur semble sortir de sa torpeur.
Vite, il ne faut pas chercher à comprendre, tout le monde en
route!
C'est
alors que votre regard est attiré par une sorte de rectangle
blanc, fixé sur la vitre arrière gauche. Une affiche?
«A
vendre, Kangoo, très bon état»...
Amusée,
vous vous détendez un peu.
Vous
avalez les kilomètres.
Partie
à l'assaut de votre nouvelle vie, assoiffée de
découvertes, les yeux grands ouverts sur le monde, votre coeur
se gonfle d'espoir et .....décidément, cette route
tourne beaucoup.
Vous
virez au blanc.
Vous
n'allez tout de même pas vous trouver mal!
- J'ai
mal au coeur, gémit un enfant à l'arrière.
Vous
ouvrez les fenêtres et continuez votre périple dans
cette folle ambiance!
Le
paysage défile. Tout est vert, luxuriant, parfois même
sauvage.
Vous
dépassez la ville de Nouméa sans même
l'apercevoir. Direction le Mont-Dore.
Comment
ça le Mont-Dore? La montagne? Votre villa ne se trouve-t-elle
pas au bord d'un lagon bleu turquoise sur un magnifique banc de sable
blanc?
Sur
ces entrefaites vous parvenez à un péage (y
a des autoroutes ici?).
- 100
francs, s'il vous plaît. (
Quoi?
Mais c'est exorbitant!)
Là
vous réalisez, qu'il va sans doute vous falloir un peu de
temps avant de comprendre le fonctionnement des francs «CFP».
C'est parfait, vous dites-vous avec humeur, vous êtes
justement dans le meilleur état possible pour cette
gymnastique intellectuelle. Fraîche et ...
A
ce moment de vos réflexions, vous observez un curieux rituel.
L'homme
qui se trouve dans la petite guérite de verre a une attitude
bien étrange. Il se met à descendre et remonter les
sourcils, le gauche puis le droit, avec une dextérité
inouïe et renouvelle l'opération à plusieurs
reprises sans dire mot. (???)
- C'est
comme cela qu'on dit «bonjour», «merci», «au
revoir», «ça va?» ou beaucoup d'autres
choses...vous explique votre conductrice avec l'assurance de celle
qui sait.
(Parfait,
ça, c'est extrêmement pratique. Et si on lève les
deux sourcils en même temps, ça veut dire «passe-moi
le sel?» Comment
voulez-vous que je m'y retrouve, moi!)
En
fait d'autoroute, vous roulez quelques kilomètres sur une
quatre voies, limitée à 90 km/h, et rapidement
remplacée par une nationale en plus ou moins bon état.
- Nous
allons traverser la tribu Saint Louis, annoncent vos hôtes.
(Qu'a-t-elle
de particulier pour qu'on vous la fasse remarquer? vous
interrogez-vous naïvement)
- C'est
une ancienne tribu qui a connu des cas d'anthropophagie (????)
et où règnent encore quelques tensions aujourd'hui.
(Vous respirez
profondément et pensez :qu'est-ce que c'est encore ?)
- Heu,
c'est-à-dire? tentez-vous timidement, en contenant votre
nervosité.
- Oh,
il ne faut pas s'affoler (facile
à dire!).
Certains Kanaks de cette tribu n'aiment pas trop les Blancs et
jettent des pierres sur leurs voitures, c'est tout
(!!!);
vous répond-on
avec une habitude un peu lasse.
- Ah,
d'accord, opinez-vous du bonnet avec un air entendu... pas du tout
convaincue par les explications et ne redoutant qu'une chose : une
nouvelle panne!
(Vous
imaginez déjà l'héritier en train de griller en
brochette au-dessus d'un magnifique feu de joie)
Tout
va bien, tout va bien, tout va bien, TOUT VA BIEN.
La
route devient plus difficile. Les virages en lacets se multiplient et
le relief est de plus en plus accidenté. Vous vous hissez
jusqu'au col de Plum. Même si la vue est superbe, vous sentez
imperceptiblement que «la villa au bord du lagon»
s'éloigne au fur et à mesure que vous gagnez du
terrain.
- Voici
la fontaine de Plum.
On
vous désigne une sorte de lavoir public où se pressent
tout un tas de gens, des jerricanes sous le bras, leur pick -up
rutilant garé non loin de là.
Vous
observez distraitement, impatiente de gagner votre nouvelle maison et
éreintée d'avoir tant d'informations à absorber
simultanément.
- C'est
ici que vous viendrez chercher votre eau.
C'est
radical. La douce léthargie dans laquelle, quelques minutes
auparavant vous étiez encore plongée n'est plus qu'un
lointain souvenir.(Qu'est-ce-que
cela signifie? Faut-il
comprendre qu'il n'y aura pas d'eau potable chez nous??)
- Mais vous voulez dire que..., vous étouffez-vous, incapable de finir votre phrase.