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exil86m10
exil86m10
18 avril 2008

Chapitre 9 :comment ça s'est vraiment passé

Clic. La radio de votre voiture se met à crépiter. Vous tournez le bouton pour capter la bonne fréquence. La réception est mauvaise.
- (Crrrr) ... assainir votre maison.
.. (crr) antiparasite... vous serez tranquille! Champion de la dératisation! Vante une voix rocailleuse.
Comme elle vendrait une nouvelle serpillère révolutionnaire, cette publicité loue les mérites du dernier produit contre les rats. Pas de doute, vous n'êtes pas en métropole...
Jingle.
- Et voici les infos. En titre: la Calédonie en préalerte cyclonique... (crrrr)
Tous vos sens sont mobilisés vers le petit poste de votre tableau de bord.

- Le cyclone GENE a déjà causé la mort de 6 personnes aux îles Fidji et se rapproche dangereusement de la Calédonie... poursuit le journaliste.vent_arbre
Levant la tête vers le ciel, bas, les nuages vous semblent soudain extrêmement menaçants.Sinistre...
- Faites des réserves d'eau, de nourriture, prévoyez des provisions de bougies et lampes tempête...crrr.
Les ondes se brouillent. Puis, plus rien. Vous vous acharnez... pas moyen, le son est bel et bien coupé. Bon, réagir. Avant de regagner votre maison en vitesse, constituer un stock impressionnant de denrées indispensables à la survie de votre petite famille. 30 minutes plus tard, parvenue au plus proche commerce, vous vous ruez sur le rayon «eau minérale» et en videz maladroitement la moitié, dans votre caddie... sous l'oeil désapprobateur de certains consommateurs. Même pillage au rayon droguerie, conserves... 3 boîtes de raviolis dans chaque main... l'équilibre est précaire.
- Pensez aux bougies! Un cyclone, ça peut durer...1, 2 voire 3 jours ..., entendez-vous.
Nouvelle frénésie. Cette fois vous attaquez le coin petits pots de bébés. Votre chariot regorge de produits en tout genre... que, dans votre course, vous semez aux quatre coins du magazin.
On vous observe avec surprise. Certains affichent même une moue condescendante
.
Vous avez la vague impression qu'on vous prend pour une acheteuse compulsive au dernier degré ou une excentrique un peu fêlée.
Quoi? «Ils» ont bien dit de s'approvisionner, non? Auriez-vous vu un peu grand?
Il vous faut maintenant aller à la «fontaine» où de nombreuses personnes attendent de remplir leurs jerricanes. ERIKA ... ERIKA...Le nom du dernier cyclone dévastateur en Calédonie est sur toutes les lèvres. La fièvre vous gagne...
Il pleut désormais à verse. Rafales de vent. La tempête joue aux quilles avec vos bouteilles... Les arbres se courbent dangereusement. Sémillante (dans le rôle de la mère-courage-paniquée-ne-voulant-rien-montrer) mais trempée (vos vêtements vous font une deuxième peau), vous lancez joyeusement à votre progéniture, arnachée à l'arrière du break:
- O
n rentre jouer à la maison.
Au bord de la route, les cours d'eau sortent furieusement de leur lit. Le ciel s'obscurcit de plus en plus. La mer s'agite et se creuse...Vous n'en menez pas large et abordez lentement les lacets montagneux. Votre vision est de moins en moins bonne. Les yeux plissés, vous tentez de distinguer votre chemin. Les essuie-glaces ne servent plus à grand chose. Votre conduite (30 km/heure) ressemble de plus en plus à celle de votre grande tante Ursula, 75 ans...Vous ne vous moquerez plus JAMAIS.
Arrivée à votre «villa», vous déchargez prestement votre coffre, sous des trombes d'eau. Vos cheveux dégoulinent, vous ruisselez.
L'homme est dans le salon. Il vous attend,calme (et sec!).
- Chérie, il faut que je t'explique.
- Ouiiiiiii... répondez-vous, aussi guillerette que possible.

- Il est 18h. La tempête s'intensifie. Je vais devoir partir au régiment. Nous sommes mobilisés.

- ...

- On doit tout prévoir pour venir en aide aux populations, après le passage de GENE.
Apparemment, vous ne faites pas partie des dites «populations» ... vous, vous pouvez crever chez vous, tout le monde s'en moque. (quoi? Vous, ingrate?... bon, admettons)

- Très bien, je comprends (enfin, pas le choix)... mais et nous? Risquez-vous tout de même.

- Oh, rien de particulier. Restez bien dans la maison, sans sortir... Ah, si, il faudrait fixer une planche sur la porte d'entrée (en verre!) au cas où des projectiles l'atteindraient. cyclone_010Avec la force du vent, ils pourraient la briser (perspective enthousiasmante).

- U
ne planche, une planche, ... on a ça ici?

- Oui,
oui, tu va bien trouver. Bon, ben voilà, c'est tout.

Vos neurones font un sprint. Penser à tout...

- Mais ... et la porte du garage qui ne ferme plus depuis 6 mois?

Haussement d'épaules.

- C'est rien. Quand il pleut, elle se gorge d'eau et  ferme toute seule. (!!! sauf que là, il pleut, et elle ne ferme toujours pas!) Tu vas voir, pas de souci! Faut qu'il y ait encore un peu d'eau qui tombe... c'est tout.

Fin de la discussion.

Voilà qui ne vous rassure pas du tout.
Vous repensez au plafond du salon et sa fuite d'eau non réparée, au volet droit de la cuisine qui ne coulisse plus...En plus de cela, il est de notoriété publique que vous avez deux mains gauches... Bref.

AUCUNE raison de paniquer.

Votre mari retourne travailler. Pas le temps de voir autre chose... Où se trouve le marteau dans cette foutue maison?

Ding dong. Ça sonne à la porte. Vous vous précipitez avec le vain espoir que votre mari ait oublié ses clefs ou vous annonce: finalement, je peux rester à la maison!

Rien de tout cela.

- Bonjour, je suis le chef d'îlot, responsable de votre quartier en cas de cyclone. Je dois vérifier que vous avez bien eu toutes les consignes.

- Tout va bien. (tu parles!)

Votre sourire est un peu trop éclatant. Intérieurement, c'est le champ de bataille.
Après vous avoir brieffée, il repart prévenir les autres maisons alentour.
Vous n'avez qu'une hâte: tout calfeutrer, tout protéger.

cyclone_009Vous sortez précipitamment. Balayez le jardin du regard. Bourrasque. Les chaises et la table en teck!! Vous tentez farouchement de les caser dans un garage fouilli, aux capacités d'accueil limitées. La pluie larde vos fenêtres. Vous vous affairez de toutes parts, brassant l'air.

Bizarre, vos voisins ne semblent pas s'agiter, eux. Aucun n'a rentré son salon de jardin...

Mais vous êtes branchée sur une prise de 10000 wolts. Pas le loisir de réfléchir, il faut faire vite.
Occupée à l'inventaire de vos tâches urgentes, vous ne remarquez pas immédiatement que votre ordinateur émet des signaux. Une sonnerie retentit. Sur des charbons ardents, vous sursautez.

Tante Ursula!!! Elle
essaie de vous appeler, via internet, par écran interposé. (En temps normal, vous savourez les merveilles de la technologie mais là, pas le temps!!). Décrochez rapidement . Vous voulez lui exposer brièvement la situation. Le son est mauvais, intempéries obligent. Le décalage horaire (tante Ursula, vraisemblablement encore dans les limbes du sommeil, vient de se réveiller) ajouté aux perturbations de la ligne rendent la conversation absurde.
Tante Ursula
: On a appris qu'un cyclone arrivait droit sur vous...crrr
Vous : ... grrrrrrr...zzzzzz, Oui ... assez...
violent... ça fouette le visage...
Tante Ursula: (blanc- grésillements-blanc) Quoi? On t'a frappé?
Vous :
 ... mais non! Quelle idée... je te parle du cyclone!...TOUT VA BIEN, enfin, pour l'instant..ordi_001
Dialogue de sourds. Se concentrer malgré les phrases hachées.
Vous: le cyclone n'est pas là... pas
encore...
Tante Ursula: (blanc- grésillements-blanc) comment? des corps??? y a des morts??? Ma pauvre chérie...
Les interférences sont telles que vous redoutez une coupure de la ligne.
Vous : ... liaison très mauvaise... ç'est peut-être la fin...grgrgrg... de la communication...on se rappellera...
Tante Ursula : ... mais non, ma grande, ce n'est pas la fin! Hauts les coeurs! Sois courageuse...
Vous: ...
Plus d'électricité. L'écran devient noir.
Vous priez pour que tante Ursula ne fasse pas d'infarctus. Retournez frénétiquement à vos préparatifs... et repensez aux discussions invraisemblables qu'engendre le téléphone quand 22000 km séparent les interlocuteurs.
Si votre soeur vous appelle pour vous raconter les dernières nouvelles : vous comprenez que sa copine Clara est partie s'installer avec Brad Pitt dans un couvent brésilien, sur un tapis volant pour faire une suprise à son chat... Ca vous rend folle...
Quand ce n'est pas l'éloignement qui rend difficile toute conversation, c'est la foudre qui tombe sur votre modem (avez hurlé de peur quand c'est arrivé); ou les pluies qui brouillent l'image de votre téléviseur. L'homme a bien tenté de mettre en place un savant arrangement de fils pour améliorer la situation... mais vous n'êtes parvenue qu'à les emmêler et ne savez absolument pas vous servir de l'installation élaborée méticuleusement. Seule trouvaille (dont vous êtes très fière): quand vous vous maintenez à une trentaine de centimètres du petit écran, les bras écartés, en équilibre sur le pied droit (SI, le droit, pas le gauche)... ça marche !!! L'image est nette! La difficulté, que vous reconnaissez humblement, réside dans l'impossibilité de tenir cette position plus de 5 minutes. Pas de risque d'une orgie cathodique en l'abscence de l'Ingénieur en chef.cyclone_007
Vous avez voulu relater, avec orgueil, cette trouvaille.. mais n'avez rencontré que dédain amusé de la part de votre moitié...

Tout en songeant à ces contingences, vous attrapez un sécateur et, de nouveau dehors, vous entreprenez de tailler nerveusement vos arbustes. Complètement rincée, vous tentez de les délester des branches trop lourdes qui pourraient donner trop de prise au vent... Et si elles devenaient de dangereux projectiles?...Ridicule! Ne réalisez pas qu'un cyclone ne fait pas grand cas de vos jolis arbustes élagués avec amour. Il les arrachent. Sans pitié aucune.
Les heures s'égrainent.
Vous avez scotchés vos fenêtres (paraît que faut le faire!), et tapie dans le couloir (ben oui, loin des fenêtres, quoi), vous attendez en inventant des jeux idiots pour occuper vos marmots.
L'homme n'appelle pas. Ce doit être grave. Un homme qui n'appelle pas c'est toujours grave. Soit il vous a oublié (dramatique, auriez du mal à vous en remettre), soit il croule sous le travail (et rentrera d'une humeur massacrante), soit il savoure une bière avec des amis (sans vous prévenir? vous le trucidez)... et puis, dans un moment pareil, ça, il ne le ferait pas.
Il l'a fait.
L
e cyclone a dévié sa trajectoire.  Ne passera pas sur la Calédonie.
Il
est allé fêter ça.
- Comment? Tu ne savais pas? Mais pourtant la pluie avait faibli... je pensais... j- je croyais...que tu en déduirais...

Vous le trucidez.

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Commentaires
V
waouh !!!! le soleil oui mais les cyclones aussi !
E
Salut Manue, petit passage sur ton blog ! c'est tjs aussi sympa de lire tes aventures mais je compatis, je pense que j'aurai bien stressé en pareilles circonstances !<br /> bises et à bientôt<br /> Anne-Laure
G
Je suis rassurée que GENE soit passé loin de chez vous. J'espère que tu as pu rappeler et rassurer ta grande tante depuis le cyclone...<br /> J'apprécie ton style et les anamatopées rendre le récit très vivant!<br /> A quand un roman?
N
un petit tour par ce blog... et je découvre ce récit des prémices de cyclone,ouh ! ça m'a rappelé de mauvais souvenirs ! sauf que chez nous il est passé ! sacré dean... mais c'était la même angoisse dans les 12 heures qui ont précédé...pire peut-être qu'au moment même ! depuis on a toujours la caisse cyclone, surtout qu'aux Antilles, ils annoncent une "bonne" saison cyclonique !!!aïe !!
M
Trop sympa chez toi, finalement, je suis pas mal chez moi, même avec un temps de merde, au moins je n'ai pas les prémices de cyclones !!! Bon courage........ et puis pour la prochaine fois tu es rôdée einh !!!
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