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exil86m10
exil86m10
17 mai 2008

Chapitre 10 : rencontre du troisième type

Pour vous «venger», vous lui laissez enfants et maison et partez deux jours à l'île des Pins (endroit paradisiaque s'il en est), avec votre amie, Stéphanie, venue de métropole. D'une blondeur divine, le visage creusé de délicieuses fossettes. Une peau dorée à souhait qui souligne la malice de ses yeux. Elle est superbe.
PB240109Quand vous vous êtes rencontrée, une quinzaine d'années plus tôt, en pleine adolescence, elle arborait un magnifique appareil dentaire (presque aussi beau que le vôtre, qui, lui, était agrémenté d'affreux élastiques jaunes, laissant supposer que vous ignoriez l'existence des brosses à dent!), une peau couverte d'acné (faisiez un concours, on vous appelait «les calculatrices») et de longs bras inutiles (les vôtres étaient trop courts). D'un air veule, elle rajustait sans cesse sa paire de lunettes triple foyer en plissant nerveusement le nez.
A l'époque, vous êtes persuadées que la gente masculine entière vous en veut.

Une solide complicité en naîtra.
Sa personnalité si attachante, parfois même un peu ingénue, sa pétulance et ses idées saugrenues achèveront de vous séduire.
Vous ne vous séparerez plus.

PB220046Arrivées à la première heure, vous prévoyez un programme 100% touristique: pirogues, piscine...etc.

Rien ne se passe comme prévu.

A la descente de l'avion, un taxi vous attend. Mini-bus blanc, conducteur jovial, en claquettes. Vous prenez place. Dernière banquette (un vieux truc de votre enfance: dans les bus scolaires, être au fond était une question d'honneur [et surtout la meilleure façon de faire les andouilles sans être vus!]. Or vous vous retrouviez toujours devant, à côté du conducteur [honte suprême] à cause du mal des transports. Grotesque frustration pré-pubère que Stéphanie vous rappelle sournoisement dans un éclat de rire. Riez aussi.)

 

Une fois les autres passagers installés, votre chauffeur Kanak se tourne vers vous et annonce tout de go, d'un ton placide:
- Les pirogues sont déjà parties.
- Comment? Sans nous? (vous qui pensiez avoir tout prévu!)

- Mais nous devions embarquer ce matin à la descente de l'avion! ajoute Stéphanie.

Devant nos mines désappointées, il cherche une solution.
Et trouve.

- Eh bien, vous vous rendrez directement sur la plage où elles doivent mouiller. De là, elles vous prendront.

Toutes ragaillardies, vous projetez d'attendre sagement l'arrivée des embarcations sur la dite plage.

- Vous pouvez nous y déposer?

Votre interlocuteur vous observe, amusé. Visiblement, vous avez tout des touristes un peu écervelées (blondes qui plus est).

- Impossible, elle n'est pas accessible par la route.

Ça se complique.

- Vous devrez juste marcher «un peu» dans la forêt, réplique-t-il avec
bonhomie.
Oh, si ce n'est que ça...
Cela ne vous effraie pas (votre 6ème sens est de nouveau en berne). Les randonnées, vous connaissez (combien de dimanches, enfant, vous avez joyeusement pataugé dans la boue des forêts ardennaises, parce qu'il fallait «prendre l'air»!!).
-
Par où devons-nous passer? Interrogez-vous tout de même.Il répond un sempiternel «là-bas» - toujours le même mouvement du bras, imprécis mais indiscutable - et vous voilà seules, avec vos sacs à dos (pèsent une tonne, enfin, le minimum vital pour une journée filles, quoi...). N'avez pas de boussole et on connaît votre sens de l'orientation..
Eh bien, vous n'avez plus qu'à vous lancer. Un chemin s'ouvre sous vos pas. PB230084Banzaï!

C'est tout juste si, amazones aguerries (le sein droit en plus!), vous n'êtes pas armées de sagaies, en train de partir chasser la roussette (chauve-souris/plat de fête)
en brousse.
Vous pouffez comme des collégiennes, riez de tout... et vous enfoncez dans une végétation dense, voire un peu hostile.
Premier embranchement.
A droite ou à gauche?

- Sûrement à droite. Go.

Tout faux (avez fumé ou quoi? Savez bien que votre intuition topographique est proche de zéro!! ). Les arbres se resserrent, les bruits se font de plus en plus étouffés. Vous avez le sentiment de pénétrer un lieu que vous ne devriez pas fouler. Votre belle humeur en prend un coup.

Nouvel embranchement.

Pas âme qui vive.
Sous les rires et les blagues potaches, aucune ne veut avouer à l'autre ses doutes. Bah, on va bien trouver...

Cette fois, vous tournez à gauche, résolument.

Puis votre conviction... se délite au fur et à mesure que s'égrainent les minutes. Le chemin vous semble davantage tracé, oui, mais la progression dure depuis maintenant une demi-heure et toujours pas de plage à l'horizon.

Pas grave, allez. Vous tentez de reprendre vos babillages et continuez votre route. Stéphanie part alors dans une diatribe sur
votre cher professeur d'anglais que vous faisiez délicieusement enrager (les cerises écrabouillées dans son sac, c'était vous!)... quand elle s'arrête. Brusquement.
Des grognements plaintifs s'élèvent de part et d'autre du sentier, à intervalles réguliers.

- Tu as entendu? S'alarme Stéphanie.

- Ah, là, là, la trouillarde! Ce n'est sûrement rien du tout, alléguez-vous, mi-amusée, mi-(secrètement) inquiète. Un petit animal sans doute.

Vous changez de sujet et arguez, pour la rassurer, de votre courage inouï face à l'énorme (si, si) scolopendre que vous aviez rencontré lors de votre installation (omettez subrepticement l'épisode du Décap'four. Pas assez héroïque!).

Les grognements se rapprochent. Vous perdez un peu de votre superbe. Avez l'air «fin maline»
maintenant. Quelle idée de vouloir faire la brave!!
Et puis, ça vous rappelle de mauvais souvenirs ... un jour de décembre, lors d'une de vos promenades familiales, vous aviez été assaillie par un marcassin affolé.  Aviez à peine eu le temps de vous réfugier piteusement dans le premier arbre venu de cette sylve hostile, maudissant votre agresseur.

Toute à vos méditations, vous vous taisez depuis cinq bonnes minutes.

Finalement, qui vous dit que vous avez emprunté la bonne direction? Ruminez-vous.

Votre marche se fait plus lente, hésitante.
Stéphanie, que votre pamphlet sur les scolopendres n'a pas sécurisée (ne pas oublier qu'elle vous connaît depuis quelques années tout de même), a du mal à dissimuler son appréhension.

- Grouin, grouin, mugit-on derrière d'épais buissons.

Retenant votre respiration, vous ne savez que faire. Continuer? Crier (facile)? Marcher sans bruit?

La végétation de la mangrove
, touffue, laisse peu percevoir le soleil.
Vous avancez à l'aveugle.

- Je sens une présence... là... toute proche.

Stéphanie a la trouille et vous, vous paniquez.
- Allez, on en a assez entendu. Vite, barrons-nous!

(eh oui, encore et toujours la fuite)

Toute votre bravoure s'est évanouie pour faire place à une peur panique. (Revoyez votre marcassin, babines frémissantes, lancé à vos trousses.)

Dans votre superbe sprint retour, vous réalisez que vous avez perdu en route vos lunettes de soleil (ah non! des Gucci!). Pas question de les laisser là, quelque part dans la brousse! Vous partez donc frénétiquement à leur recherche, la tête enfouie dans les fourrés.
Pas de lunettes.
Les taillis sont vraiment très épais.
Mais, mais... c'est vrai qu'on dirait qu'il y a quelqu'un... (Cheveux hérissés, couverte d'égratignures, vous relevez la tête...).
Vous ne le savez pas encore mais vous vous préparez à une sorte de rencontre du troisième type.
Sur VOTRE (en vacances, vous avez l'impression que le monde vous appartient)
île de rêve, aux eaux d'un bleu pur et sable immaculé, là, à deux pas de vous, se trouvent ... des GORETS.
Parfaitement, un genre de... de parc à cochons
.
Des petits, des gros, des truies. Ils se roulent dans la fange avec une joie non dissimulée et s'avancent vers vous, groin en avant.

Pendant quelques instants (le temps que toutes ces informations atteignent votre petit cerveau et qu'il les analyse, autant dire, un siècle), vous restez pétrifiée. N'aviez, naïvement pas imaginé un instant croiser des pourceaux en pleine nature, en lieu et place de votre rivage de carte postale!

Les spécimens, curieux, commencent à se rapprocher. Il est temps de reprendre vos esprits, et vite.
Inutile de vous appesantir cent ans, à les regarder de cet air abruti, pour peu qu'il y en ait un qui veuille vous dire bonjour d'un peu trop près!
Et votre amie qui se demande ce que vous fabriquez:

-  Tu viens? Qu'est-ce-que tu as à rester plantée la bouche ouverte?

Stéphanie est venue. Stéphanie a vu. Stéphanie a couru, et du plus vite qu'elle pouvait, suivie de près par vous, affolée à l'idée que vous étiez touchée par la malédiction des porcins (ben oui, après le marcassin, quand même).
Le coeur palpitant après une course échevelée (plus question de papoter gentiment), vous revoilà, penaudes...

... au point de départ. Déconfiture.
Vous vous octroyez alors un petit remontant (toujours un paquet de M&M's dans le sac).
Et les pirogues alors? Ce ne sont pas des petits cochons qui vont vous décourager, hein? (ne teniez pas le même discours quelques instants plus tôt!).
Vous demandez alors, carrément, qu'on vous accompagne jusqu'au commencement de la (VRAIE) piste.
Et vous êtes enfin en route pour la baie d'Upi, un peu honteuse de votre réaction (les porcs ont eu sûrement bien plus peur que vous).
no_l_2007_071Les rires sont un peu moins forts.
Les discussions moins cabotines.
L'une comme l'autre, n'arrêtez pas de butter sur les racines des palétuviers qui sortent du sol, en quête d'une plage dont vous vous demandez si elle existe vraiment. Le silence est peuplé de cris d'oiseaux et autres animaux. Toujours personne.
Trois quart d'heure de marche plus tard (soufflez comme des boeufs... avez pas fait de sport depuis la naissance de votre cadette), il vous semble apercevoir quelqu'un. On avance vers vous. Une femme.
- Ahhh, laisse échapper Stéphanie (qui en a autant plein les pieds que vous).
- Où est la baie d'Upi, s'il vous plaît? (ton suppliant) vous empressez-vous de questionner.
Elle vous toise. Touriste japonaise. Jolie. Ultra tendance. Et ne
parle pas un mot de français (c'est bien votre veine).
- Don't know, don't know. (accent japonais)
C'est tout?
C'est tout.
Mais déjà, une autre silhouette se profile. Tous vos espoirs fondent sur lui. Un homme.
Japonais aussi
Il semblerait, pourtant, que vous ayez plus de chance.
Même question; réplique un petit peu plus informative:
- Arrivées pirogues. Vous, continuez. Chemin tout droit... Plage. (re-accent japonais...espérez avoir bien compris!)

- Plage
(n'avez jamais autant aimé le mot)? Oh, merci, merci.
Eh bien. ENFIN.
Heureusement que vous avez demandé au gîte de prévenir le frère du cousin du copain
(vous me suivez?) d'un de ceux qui naviguent sur les pirogues  pour qu'il vous attende! Simple en somme, non?
Non.
Un doute vous traverse. Fulgurant.
Et si le message n'était pas passé? Et si les embarcations étaient déjà reparties, une fois leur cargaison de touristes déposée?
Re- sprint.
Manquez de vous étalez une bonne quinzaine de fois.
Et là, la plage, grandiose, sauvage et... désertique!!!
Vous voyez bien les pirogues, leur coque, longue et étroite. Ah ça, vous les voyez
mais...
AU LOIN.
Ne vous ont pas attendues...
Deuxième retour au point de départ.
Vous arrivez harassées, exténuées, éreintées, flapies, flagadas. Bref, f
olle ambiance dans les rangs!
Il va falloir toute l'originalité et la joie d'un bon dîner roboratif traditionnel pour vous déridez.
Ça, on peut dire qu'«ils» ont le sens de la fête ici... et que la blonde Stéphanie ne laisse pas indifférent...

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Commentaires
N
nous aussi, on s'était un peu perdus pour arriver à cette "piscine naturelle "... mais on a quand même pu prendre la pirogue !<br /> quelle aventure, et pleine de suspense ! <br /> bonne journée,
L
Bravo pour tes talents de conteuse ! Bientôt un livre ?<br /> Toute la famille vous embrasse !
E
Quel bonheur de te lire !<br /> C'est un vrai régal et un vrai plaisir !!!<br /> Merci à toi de nous faire partager tes aventures !!! Surtout continues !<br /> Milles pensées et milles bisous.
C
ça me rappelle une ballade dans la forêt guyanaise !!!!<br /> Toujours autant de talent d' écrivain !!!<br /> Et moi je file me recoucher!
P
Coucou Manue ! Je continue à suivre tes aventures toujours aussi palpitantes ! Bise à toute la famille . (question: c'est ton amie sur la photo? parce que si c'est le cas c'est ton sosie !!!)
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